Canet-en-Roussillon, le 15 / 11 / 2020,
«Le mur canétois et le chou parisien
Le 11 novembre a été son dernier sursis : le mur de l’ancien local de l’aquarium de Canet, portant une mosaïque des années 1950 dans l’ancien village des pêcheurs, est tombé. Ce matin, devant un tas de gravats, le responsable repu était au repos : un gros engin de démolition à toutes épreuves. Ainsi, une trace artistique ancienne s’en va, mais c’était aussi une trace historique d’une époque de la cité.
Le courrier des Insoumis du 20 février 2020 au maire sur le départ n’a pas reçu de réponse. Le courrier du 25 février 2020 à la Direction régionale des Affaires culturelles de Montpellier pas davantage : décidément, l’art populaire n’existe pas. Le créateur de la fresque Le Neptune muni de son trident entouré de dauphins, mouettes, poissons et astres n’a pas pensé à signer son œuvre. Malgré cet oubli ou cette modestie, dans la lumière des après-midis et des soirées, le mur était doué de scintillements très remarquables. Rappelons que depuis la plus haute Antiquité, les hommes expérimentent l’art de la mosaïque, les techniques pour les conserver et les déplacer si nécessaire.
Evidemment, le Ministère de la Culture a, ces derniers jours, été plus affairé par l’inscription du Sacré Cœur de Paris aux Monuments Historiques. Le Sacré-Cœur représente la célébration des dominants sur les Communards de 1871. On évalue à 30.000 le nombre de morts, sans compter les déportés sur les pontons et aux bagnes. Le Ministère de la Culture a donc oublié d’inscrire aussi une grande esplanade qui permettrait de rééquilibrer et enrichir la mémoire collective : celle de l’Ecole militaire à Paris où furent couchés 10.000 cadavres de communards en couches successives recouvertes de goudron et flambées pour éviter les épidémies. Le gouvernement Thiers, tout vaincu qu’il fut par le Reich allemand, n’avait d’ailleurs pas hésité à contacter Bismarck pour accélérer le retour des militaires français prisonniers en Allemagne afin d’en finir avec la révolution parisienne. Ce qui fut promptement fait.
Finalement, le petit mur canétois pose de grandes questions : le choix des vestiges à conserver ou célébrer ne doit pas être unilatéral et s’exercer uniquement dans les espaces clos des administrations, en dehors de la nécessaire consultation citoyenne. »
Françoise BOSMAN, initiatrice du groupe d’action des Insoumis à Canet-en-Roussillon et conservatrice générale honoraire du patrimoine.