L’exposition de rentrée de la galerie Marianne est consacrée à Jean Fabre, invité d’honneur de la Ville d’Argelès-sur-Mer. Une oeuvre dense, riche du parcours éclectique de cet ancien professeur d’arts plastiques, qui n’avait jamais exposé en dépit de ses 90 ans de vie. Jean Fabre est un peintre professeur, ces deux volets sont indissociables chez l’artiste, parti à Paris à l’âge de 25 ans, après une enfance catalane et de premières ébauches de portraits qui ont révélé un don.
Nous sommes en 1945. Pendant sept, ans, il fréquente les ateliers où l’on enseigne l’art académique à la manière du XIXe, avec modèles, conseils de maîtres et… un accès permanent au musée du Louvre ! « J’y allais lorsque c’était fermé, c’était idéal pour apprécier les détails des oeuvres ». Il pose souvent son chevalet dans une salle, pour reproduire une oeuvre… un privilège. « J’ai appris toutes les techniques, mais je ne voulais pas être artiste » confie celui qui préfèrera l’enseignement et formera des générations de professeurs d’arts plastiques, à Perpignan, de 1960 à 1990.
La classe d’un inclassable
Derrière le rôle éducatif s’est longtemps effacée la personnalité du peintre. Jean Fabre est imprégné de toutes les grandes tendances du XXe siècle. Il nous dévoile un tourbillon de styles, où s’invitent le déchirage, la gravure au poinçon, le soufflage d’encre et la peinture formaliste ou classique. Fabre, ce sont toutes les natures du visage, absent, fermé, angulaire… égaré sous les traits de l’hébétude.
En solo ou en duo, ses figures sont-elles en dialogue, incarnent-elles la juxtaposition des êtres esseulés dans la foule, bien moins ensemble que côte à côte ? Fabre, c’est encore l’univers des cités comprimées, les tours clonées aux âmes sans âme, la mégalopole alvéolaire qui camoufle les anonymats en-deçà des carreaux. C’est aussi le village d’Eus, habillé de douceur.
L’exposition est l’inventaire d’une vie, ventilée par la galerie Marianne en deux accrochages, afin d’embrasser l’ensemble des périodes et des intentions. L’artiste-professeur reste un observateur des grands courants et des tendances furtives : « Quel sera le courant majeur du XXIe siècle ? Il est encore trop tôt, nous verrons cela en 2030 ».